OUSIA 



  Campagnol terrestre vs Bromadiolone  


Arrêté 2008 relatif à la lutte contre le campagnol terrestre et autorisant l’emploi d’appâts empoisonnés à la bromadiolone

     
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Bar-le-Duc, le 11 décembre 2008

De :
OUSIA, être(s) humain(s) sur la Terre
41 rue Montant
55 000 Bar-le-Duc

A :
Monsieur le Préfet
Préfecture de la Meuse
40, rue du Bourg
55012 Bar le Duc Cedex


Objet : recours gracieux précontentieux concernant l’Arrêté relatif à la lutte contre le campagnol terrestre et autorisant l’emploi d’appâts empoisonnés à la bromadiolone


Monsieur le Préfet,

Comme chaque année en Meuse, une campagne de destruction des campagnols terrestres est lancée dans la région des côtes de Meuse.

Ainsi, vous avez récemment signé l’ « Arrêté n° 2008-0252 du 15 octobre 2008 relatif à la lutte contre le campagnol terrestre et autorisant l’emploi d’appâts empoisonnés à la bromadiolone »

Vous demandant de retirer l’arrêté susmentionné, nous, l’association OUSIA, dans le cadre de notre objet visant à réaliser « toute action tendant à améliorer la relation de l’humanité avec son milieu », souhaitons attirer votre attention sur certains points et à vous faire part des motifs, des raisons et de nos remarques concernant cette question dans l’optique de vous apporter des arguments (délai de deux mois).


Est-ce le campagnol ou la bromadiolone le véritable fléau ?

La bromadiolone est un puissant produit chimique anticoagulant de la famille des anti-vitamine K.
Sa dégradation chimique et biologique est lente, puissamment active sur toutes les espèces à sang chaud, qui s'accumule dans le foie, à action toxique différée. C'est un toxique indirect non spécifique (large spectre d’action).
Sa toxicité a été démontrée chez les oiseaux, les poissons et les invertébrés aquatiques vivants dans l’eau ou le sédiment. Cette écotoxicité, démontrée en laboratoire, a été depuis retrouvée en milieu ouvert. Chez l’animal, la bromadiolone présente une toxicité aiguë par voie orale et par inhalation, une toxicité sur la reproduction et le développement, et possède un effet cancérigène.
Des cas d’intoxication humaine par ingestion ont également été rapportés.

La bromadiolone était utilisée contre les rats dans les grandes villes. On choisit de l’employer aussi à la campagne, en négligeant l’impact négatif, pourtant connu de ce produit.
Son ingestion entraîne une mort lente et pénible dans un délai de 24 à 36 heures. Ainsi, le rongeur ayant avalé ce poison n’en meurt que deux jours plus tard pendant lesquels, très affaibli, il est très vulnérable à ses prédateurs naturels. Or, le campagnol est un peu comme le plancton des carnivores terrestres, il est à la base de la chaîne alimentaire pour un grand nombre d’espèces : belettes, renards, putois, fouines, blaireaux, sangliers, rapaces, lynx…, en les mangeant en grande quantité, finissent par s’empoisonner à leur tour.


La pullulation des campagnols et ses (dé)raisons

La pullulation du campagnol est un phénomène naturel qui se produit selon des cycles de cinq ou six ans. Depuis une quarantaine d'années, les pullulations augmentent en ampleur, en durée et en surface touchée, si bien que, apparemment, les dégâts deviennent insupportables économiquement pour les agriculteurs.

De fait, de nouvelles pratiques agricoles ont affecté les cycles naturels des campagnols. L'amplification de leurs cycles de reproduction est imputable aux modifications du paysage agricole à partir des années 1970 et aux pratiques agricoles :

  • conversion des terres en prairies qui communiquent totalement entre elles et extension des surfaces tout en herbe,
  • erreur sur le choix des espèces fourragères (ray-grass)
  • abandon de l'assolement pour la monoculture,
  • raréfaction des labours, qui détruisent les galeries,
  • compactage des terrains par les engins mécaniques,
  • épandage de fumiers inadéquats (paille simplement étalée),
  • intensification des pratiques agricoles,
  • suppression des haies, qui servent de refuges pour les prédateurs (façonnement d’un milieu ouvert, favorable au campagnol et défavorable à ses prédateurs).

Pourtant, ces alternances d’abondance et de rareté de campagnols fournissent de la nourriture à de nombreuses espèces sans endommager la végétation. Quand ils deviennent trop nombreux, les campagnols attirent quantité de prédateurs qui les chassent et en réduisent le nombre. Ainsi, le milieu vivant se trouve naturellement auto-régulé et parfaitement équilibré à l’échelle de quelques années.


Une réglementation vers la fin de l’emploi des anticoagulants...
contre d’autres micromammifères !


Continuer à utiliser la bromadiolone contre les campagnols n’est pas en phase avec la réglementation relative à ce produit chimique toxique utilisé dans la lutte contre d’autres espèces comparables aux campagnols. Cela ne va pas dans le sens de l’histoire !
En 2003, le ministère de l’écologie a pris un arrêté régissant la transition vers l’interdiction du poison en trois ans. Cet arrêté organise la lutte contre le ragondin et le rat musqué (deux micromammifères comme le campagnol) en privilégiant la destruction par piégeage et par tir, l’usage du poison n’étant autorisé qu’en dernier recours et sous des conditions strictes (lutte confiée aux GDON, ramassage et destruction des cadavres, interdiction du poison sur les réserves naturelles, etc.).

En 2007, ce premier arrêté parvenu à échéance a été remplacé par un autre arrêté reprenant les mêmes conditions en y ajoutant un effet cliquet : les départements ayant cessé l’usage du poison ne sont pas autorisés à y avoir recours de nouveau. A l’heure actuelle, seule une demi-douzaine de départements emploie encore les anticoagulants dans la lutte contre le ragondin et le rat musqué. L’usage du poison sera définitivement interdit en 2009, lorsque l’arrêté de 2007 parviendra à son échéance.


Effets et dégâts collatéraux de la bromadiolone

Ces empoisonnements ne règlent rien : non seulement ces procédés ne règlent pas durablement le problème, mais pire encore, ils produisent de véritables ravages sur l'ensemble de l'écosystème, en empoisonnant en chaîne les prédateurs naturels de ces mammifères, et en contaminant gravement les sols jusqu'à menacer la santé publique.

Les prédateurs du campagnol sont les deuxièmes victimes du poison : rapaces (ex. : le milan royal - protégé) ou mammifères carnivores (ex. : le renard), espèces protégées mais aussi espèces chassables (ex. : le sanglier ou le chevreuil). Il y va sans doute aussi de la protection de la santé humaine (consommation d’animaux chassables, diffusion du produit dans l’environnement, etc.).
En effet l'intoxication peut aussi se faire de façon indirecte : réduit à l'état de proie agonisante ou de cadavre, le campagnol est consommé par des animaux prédateurs ou nécrophages, qui s'intoxiquent à leur tour. Une fois ingéré, le poison est stocké dans le foie et ne s'élimine qu'après plusieurs jours. Ainsi, la consommation répétée de proies intoxiquées conduit à l'intoxication mortelle de certains prédateurs par accumulation dans les tissus. Les sangliers, les rapaces, les renards, les chats domestiques font ainsi les frais des campagnes d’empoisonnement, de telle sorte que l’on crée un cercle vicieux : plus on emploie ces produits et plus on détruit les prédateurs naturels qui contribuent à contenir l’expansion des rongeurs.

Par ailleurs, quels sont les moyens humains permettant de vérifier les précautions drastiques d’emploi du poison ?


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Le cas du Milan

Le milan royal est une espèce strictement européenne. Sa population est de 30 000 couples, répartie surtout dans trois pays, l'Allemagne, la France et l'Espagne.
Les effectifs ont fortement chuté jusqu'aux années soixante en raison des destructions directes. Depuis 1990, la chute tient surtout aux modifications des pratiques culturales (cas de l’Allemagne) et aux empoisonnements.
Sa distribution en France se fait au sud-est d'une diagonale Nord-Est / Sud-Ouest. Il est présent surtout dans l'Est de la France et les Pyrénées Atlantiques. Les effectifs numériques sont :
  • Allemagne, 12 000 couples en 2000
  • Espagne, 3 500 couples en 1994 (chifrre probablement surestimé)
  • Suisse, 1 000 couples (en hausse)
  • Suède, 2 000 couples
  • Royaume-Uni, 380 couples après des opérations de réintroduction
  • France, 2 000 à 3 500 couples, avec une forte chute dans certaines régions

Il revient de migration en février, niche dans presque tous les types d'arbres, pond 2 à 4 oeufs en mars, élève un ou deux jeunes. Il se nourrit de rongeurs à 75%. C'est un éboueur qui se nourrit de manière opportuniste (décharges, charniers).
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Et l’Homme ? Les menaces pour l'Homme sont de deux ordres :
- toxicité indirecte via le sol ou l'eau,
- toxicité directe via les animaux (peu probable).

La bromadiolone est un poison, c’est une évidence. En outre, on connaît mal tous les effets de ce produit toxique : n’existant pas d’études précises à ce sujet, on ne sait par exemple pas comment la bromadiolone se transforme dans le sol et les animaux…
Il est incompréhensible alors que le principe de précaution ne soit pas appliqué…
Quant à savoir qui est responsable des dégâts engendrés par la bromadiolone, la question se posera… mais trop tard !


L’usage de la bromadiolone est et n’est pas une fatalité !
Des solutions existent !


L’usage du poison n’est pas une solution durable.
À long terme, seul le changement de pratiques agricoles permettra de réduire sensiblement le danger de pullulations, en diversifiant les grandes étendues herbagères par des zones labourées et en reconstituant des réseaux de haies, des talus et des fossés, en priorité dans les zones identifiées comme source de démarrage des pullulations. Ces techniques sont déjà employées par des agriculteurs biologiques et ont fait leurs preuves.

Une alternative incontournable, naturelle et logique existe !
Pour résoudre efficacement le problème des pullulations, l'ASPAS (Association pour la protection des animaux sauvages) préconise une solution naturelle.
De fait, le déclassement du renard de la liste des nuisibles serait une mesure phare de la lutte contre les campagnols : dés lors qu'ils ne seront plus détruits, ces mammifères réguleront naturellement les surpopulations de micro-mammifères qui causent d'importants dégâts aux cultures.


Considérant que la bromadiolone, puissant poison utilisé pour lutter contre des micro-mammifères qui causent des dégâts aux cultures, occasionne de véritables ravages sur la faune sauvage et les milieux, outre les risques qu’il fait peser sur la santé publique.
Considérant dans le même temps, que le renard, principal prédateur naturel de ces micro-mammifères est massivement détruit par tous temps et tous moyens (piégeage, déterrage, battue, etc.) parce qu’il est considéré comme “nuisible”, alors que son utilité est évidente.
Nous demandons que :
1/ l’utilisation de la bromadiolone soit immédiatement abandonnée en France
2/ le renard, principal prédateur des micro-mammifères, soit immédiatement retiré de la liste nationale des animaux dits “nuisibles”.

Espérant vous avoir apporté des éléments indispensables à la compréhension du dossier, souhaitant vivement que vous en tirerez les conclusions adéquates et vous demandant de bien vouloir retirer l’arrêté susmentionné, nous vous prions, Monsieur le Préfet, d’agréer nos cordiales salutations.

p/o OUSIA
Bruno BISSOT